Le Bureau du forestier en chef – 20 ans déjà

Découvrez l’histoire de cette fonction à travers trois Forestiers en chef

Il y a 20 ans, le 8 décembre 2005, le gouvernement du Québec nommait le premier Forestier en chef du Québec : Pierre Levac. La création de la fonction de Forestier en chef est l’une des recommandations phare de la Commission d’étude sur la gestion de la forêt publique québécoise. Cette commission avait été mandatée en 2004, pour examiner la gestion de la forêt publique du Québec et faire des recommandations sur plusieurs aspects notamment celui du calcul des possibilités forestières.

À l’occasion du 20e anniversaire de la création du Bureau du forestier en chef, nous vous proposons une série d’entrevues avec ceux qui ont incarné cette fonction au fil du temps soit Pierre Levac (2005-2010), Gérard Szaraz (2010-2015) et Louis Pelletier, en poste depuis 2016.

Plongez dans l’histoire de cette fonction et découvrez :

  • Les origines de sa création;
  • Les grands défis relevés par les Forestiers en chef et leurs équipes;
  • Des réalisations marquantes et celles qui façonnnent notre avenir;
  • Les moments à se rappeler – Consultez les dates clés.

Origine de la création de la fonction de Forestier en chef

En décembre 2002, la Vérificatrice générale du Québec par intérim dépose un rapport qui exprime ouvertement ses préoccupations sur la gestion de la ressource forestière. En octobre 2003, le gouvernement du Québec mandate un comité d’experts pour en étudier la problématique. C’est ainsi que la Commission d’étude sur la gestion de la forêt publique québécoise, mieux connue sous le nom de la commission Coulombe, est constituée.

Le 14 décembre 2004, la commission Coulombe dépose à son tour un rapport. Ce dernier comprend 81 recommandations, dont une grande partie doit être mise en œuvre dans un horizon de deux à trois ans.


Le 14 juin 2005, la Loi modifiant la Loi sur le ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs et d’autres dispositions législatives ( 2005, c. 19 ) est adoptée. Le gouvernement du Québec donne suite à une recommandation du rapport de la commission Coulombe en adoptant, à l’unanimité, le projet de loi no 94 créant la fonction de Forestier
en chef. La création de cette nouvelle fonction hautement stratégique avait d’ailleurs fait l’objet d’un large consensus lors des consultations publiques de la commission.

Le 8 décembre 2005, le gouvernement du Québec nomme monsieur Pierre Levac à titre de Forestier en chef à la suite de la recommandation d’un comité de sélection.


Pierre Levac, Forestier en chef de 2005 à 2010

Mettre en place la fonction de Forestier en chef et révolutionner le calcul des possibilités forestières – Une tâche colossale pour le premier Forestier en chef 

À la suite de l’adoption, à l’Assemblée nationale, du projet de loi créant la fonction de Forestier en chef, un comité de sélection retient la candidature de Pierre Levac pour occuper ce nouveau poste. Ingénieur forestier et chef auditeur depuis plus de 20 ans, Pierre Levac cumule plusieurs qualifications, notamment en lien avec les certifications internationales de types ISO 9001, ISO 14001, OHSAS 18001 ainsi que huit standards forestiers canadiens, américains et internationaux.

Près de 80 personnes doivent alors être recrutées pour soutenir le Forestier en chef dans la mise en œuvre de la mission prévue par la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier. Ces équipes seront ensuite déployées dans une douzaine de bureaux régionaux de la province.

Une nouvelle organisation à bâtir

« Au commencement, raconte Pierre Levac, je n’avais qu’un bureau, mon ordinateur personnel et du papier.  Absolument tout devait être mis en place.  J’ai dû aller chercher des ressources financières, recruter du personnel, structurer l’équipe et définir un plan stratégique. » La tâche était titanesque pour Pierre Levac, car il devait également réviser complètement la méthode de calcul des possibilités forestières, mise en cause un an plus tôt par la Commission Coulombe.

Les limites du logiciel Sylva II

La Commission Coulombe reprochait à Sylva II, le logiciel alors utilisé, de ne pas tenir compte des dimensions spatiales et temporelles dans les calculs de possibilités forestières notamment la localisation réelle des peuplements et leur accessibilité dans le temps.

Le constat, pouvait-on lire dans le rapport de la commission Coulombe, est que la récolte est concentrée sur un territoire plus restreint que celui qui sous-tend les calculs. (…) cette situation « est en voie de conduire le Québec à un cul-de-sac et d’entraîner, dans certaines régions, un écrémage des peuplements de qualité. Il existe des méthodes qui permettraient de remédier à cette situation lors des prochains calculs. »

« Je me suis inspiré de la méthode utilisée par la Colombie-Britannique » Pierre Levac

Fort de plus de 20 années d’expérience comme chef auditeur, Pierre Levac entretenait déjà des liens professionnels avec le Forestier en chef de la Colombie-Britannique, Jim Snetsinger. « J’ai communiqué avec lui et je lui ai dit : Jim, est-ce que je peux aller te rencontrer ? J’ai 2, 3 petits enjeux et j’aimerais les partager avec toi. Je me suis donc rendu à Victoria, en Colombie-Britannique, où j’ai passé trois jours avec Jim. »

En Colombie-Britannique, Pierre Levac constate que cette province faisait face à des enjeux similaires à ceux du Québec : gestion de territoires confiés à des communautés autochtones, préoccupations liées à la protection et à la biodiversité, etc. Leur système de calcul des possibilités forestières tenait compte de ces enjeux à l’échelle de tout le territoire, et non uniquement sur les zones où s’effectuait la récolte.

« Je suis donc revenu au Québec avec une copie de leur système. Mon équipe et moi nous nous en sommes inspirés pour concevoir une nouvelle méthode de calcul et trouver un logiciel en mesure de soutenir nos travaux. C’est ainsi qu’a débuté la grande révolution du calcul des possibilités forestières. »

Les possibilités forestières 2008-2013 – Une tournée de toutes les régions

En 2006, le Forestier en chef diffuse ses premiers résultats du calcul des possibilités forestières pour la période 2008-2013. Il entreprend également une tournée des régions afin de présenter ses analyses et de répondre aux questions de la population régionale, des entrepreneurs forestiers, des maires et des représentants municipaux.

En conférence de presse à l’Assemblée nationale, le ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Pierre Corbeil, remercie Pierre Levac et son équipe pour l’accomplissement de ce premier mandat et souligne la rigueur des travaux ainsi que la transparence des analyses.

Parmi les réalisations de Pierre Levac 

  • La mise en place du Bureau du forestier en chef
  • La nouvelle méthode et les nouveaux outils de calcul des possibilités forestières
  • La mise en place d’un système de gestion de la qualité ISO 9001
  • Le Bilan sur l’état de la forêt et son aménagement durable 2000-2008
  • Plusieurs avis au Ministre notamment:
    • Gestion durable de la forêt boréale: Vision globale et recherche d’équilibre
    • Le rétablissement des forêts de pin blanc
    • Remise en production des landes forestières dans le domaine de la pessière
    • Récolte des bois secs et sains

Pierre Levac aujourd’hui 

Après avoir occupé la fonction de Forestier en chef de 2005 à 2010, Pierre Levac a repris son travail de chef auditeur internatinal et de réviseur de dossiers à l’enregistrement. Il est également devenu membre du conseil d’administration de Rexforêt. Il est aujourd’hui retraité.

Période 2005-2010 en images

Annonce de la nomination de Pierre Levac à titre de premier Forestier en chef. Roberval – Décembre 2005
Tournée des régions en 2006
Lebel-sur-Quevillon, 2006
Conférence de presse – Annonce du Bilan d’aménagement durable des forêts – Période 2000-2008
Semaine des sciences forestières de l’Université Laval en 2009

Gérard Szaraz – Forestier en chef de 2010 à 2015

« Pierre Levac avait réalisé un travail considérable à mon arrivée en poste. Mon objectif était maintenant de faire prendre de l’altitude à la fonction de Forestier en chef. » Gérard Szaraz

En décembre 2010, Gérard Szaraz succède à Pierre Levac en devenant le 2e Forestier en chef. L’ingénieur forestier a une fine connaissance des problématiques soulevées et les grands axes de changements proposés par les membres de la Commission Coulombe puisqu’il en avait fait partie à titre de secrétaire général.

Les outils technologiques – La grande force du Forestier en chef

Au moment où Gérard Szaraz prend la relève comme Forestier en chef, la grande révolution du calcul des possibilités forestières est enclenchée par son prédécesseur Pierre Levac, l’organisation et tous les employés sont fonctionnels et répartis dans une douzaine de bureaux régionaux. Pour Gérard Szaraz, l’important est alors de « faire prendre de l’altitude à cette fonction. »

« Dès le début de mon mandat, j’ai constaté que Pierre Levac avait effectué un travail important pour définir la technologie qui serait utilisée pour le calcul des possibilités forestières et pour mettre en place les ressources humaines et financières nécessaires. Dans mon cas, j’ai pu profiter de ces avancées pour réaliser des analyses particulières. À ce moment-là, notre équipe, suffisamment diversifiée — comprenant des biologistes, des économistes et des ingénieurs forestiers — a utilisé les outils de modélisation développés pour répondre à une gamme variée d’enjeux et de questionnements visant à éclairer les décisions. Nous avons ainsi été en mesure de produire une quinzaine de conseils au ministre, des analyses d’impact et divers avis. »

Une fonction qui demeurera résiliente selon Gérard Szaraz

« Dans la trousse du Forestier en chef, cette expertise développée par l’organisation constitue la principale contribution à l’aménagement durable de la forêt. C’est pourquoi, à mon avis, la fonction de Forestier en chef va perdurer et demeurer résiliente. », conclut Gérard Szaraz.

Parmi les réalisations de Gérard Szaraz

  • Bilan quinquennal sur l’état des forêts et leur gestion de la période 2008-2013
  • Les possibilités forestières de la période 2013-2018
  • Plusieurs avis au Ministre notamment :
    • Le succès des plantations;
    • La récolte dans les contraintes opérationnelles;
    • Approche du calcul en forêt privée;
    • Effet de la stratégie d’aménagement sur les taux de perturbation du caribou.

Gérard Szaraz aujourd’hui

Gérard Szaraz est un retraité actif, bénévole en matière forestière pour diverses organisations.

Période 2010-2015 en images

Nomination de Gérard Szaraz à titre de 2e Forestier en chef le 14 décembre 2010.
Visite en forêt dans la région de Péribonka
Gérard Szaraz, 2012
Présentation des résultats préliminaires du calcul des possibilités forestières de la période 2013-2018
Roberval, 2011
Cercle de presse du Saguenay, 2014

Louis Pelletier – Forestier en chef depuis 2016

« Depuis bientôt 10 ans, cette fonction me place continuellement devant des défis complexes et stimulants. » Louis Pelletier

En devenant le 3e Forestier en chef en 2016, l’ingénieur forestier Louis Pelletier entreprenait une période marquante dans sa carrière. « J’arrivais du secteur coopératif, comme directeur général du Groupe Forestra à Saguenay.  Je devais apprendre rapidement tous les aspects du calcul des possibilités forestières, me familiariser avec les particularités de tous les territoires forestiers et m’assurer d’avoir réponse à toutes les questions puisqu’à peine quelques mois plus tard, je devais déterminer les possibilités forestières de la période 2018-2023. Dès mon entrée en fonction, j’ai constaté que l’équipe en place était hautement qualifiée et maîtrisait pleinement le calcul des possibilités forestières. Aujourd’hui encore, près de dix ans plus tard, ces forces et cette complicité demeurent au cœur de notre équipe. »

Mieux comprendre les effets des changements climatiques sur notre forêt

Le chemin a toujours été pavé de défis pour le Forestier en chef. Actuellement, celui lié aux changements climatiques et à leurs effets sur la forêt est l’un des plus préoccupant. « Parmi nos objectifs, nous avons celui de mieux comprendre et intégrer les effets des changements climatiques dans nos analyses pour ainsi projeter l’état de la forêt du futur. Sur ce plan, nous collaborons avec nos collègues de la Direction de la recherche forestière du ministère des Ressources naturelles et des Forêts et des experts du domaine de la modélisation sur divers projets. Un autre objectif sera celui de guider les décideurs vers les meilleurs choix d’aménagement pour minimiser ces impacts et nous assurer que la forêt demeure résiliente et qu’elle continue de combler nos besoins actuels et ceux des générations futures. La foresterie est un domaine en mouvance et nécessite une très grande agilité à la fois dans nos visions et dans les outils que nous développons. »

En route vers les possibilités forestières 2028-2033 – Calculer plus que du bois

En 2024 et 2025, les travaux liés au calcul des possibilités forestières pour la période 2028-2033 ont franchi plusieurs étapes clés et avancé sur de nombreux fronts. Les premiers modèles, développés selon une formule bonifiée, ont confirmé les gains de performance attendus. Ces progrès permettent maintenant de mener des analyses plus nombreuses, plus rapides et plus précises, ouvrant la voie à une compréhension plus fine des nouveaux enjeux liés à l’aménagement durable des forêts. Les principaux objectifs sont de mieux documenter plusieurs indicateurs tels que la structure d’âge des forêts, des enjeux de diversité biologique et la vulnérabilité de certaines essences face à la tordeuse des bourgeons de l’épinette.

Parmi les réalisations de Louis Pelletier

  • Possibilités forestières de la période 2018-2023
  • Possibilités forestières de la période 2023-2028
  • Obtention de la certification ISO 9001:2015
  • Aménagement durable des forêts du domaine de l’État – Analyse du Forestier en chef pour la période 2013-2018
  • Aménagement durable des forêts du domaine de l’État – Analyse du Forestier en chef pour la période 2018-2023
  • Ajustement aux possibilités forestières suite aux feux de forêt de 2023 et à la considération de nouvelles aires protégées
  • Plusieurs avis au Ministre notamment:
    • Changements climatiques : Réflexion sur notre aménagement forestier
    • Protection du territoire dans les forêts du domaine de l’État – Constats et recommandations
    • Consultation publique sur les mesures de conservation pour les caribous forestiers de Charlevoix et les caribous montagnards de la Gaspésie et leur habitat – Constats et recommandations
  • Plusieurs analyses d’impact pour éclairer les décideurs

La période 2016 à aujourd’hui en images

Louis Pelletier, 2016
Louis Pelletier – Annonce des possibilités forestières de la période 2018-2023
Louis Pelletier – Annonce des possibilités forestières de la période 2018-2023
Congrès de la Fédération québécoise des municipalités du Québec
Louis Pelletier – Annonce des possibilités forestières de la période 2023-2028 en novembre 2021 à Roberval
Visite en forêt – Région de la Mauricie, 2024

Le saviez-vous ?

Le mandat de la Commission d’étude sur la gestion de la forêt publique québécoise

Le 3 février 2004, le gouvernement du Québec souligne le début des travaux de la Commission d’étude sur la gestion de la forêt publique québécoise présidée par Guy Coulombe. Cette commission aura le mandat de passer au peigne fin plusieurs thèmes liés à la gestion de la forêt. Elle analysera les dimensions environnementales, économiques, fauniques, régionales et sociales. Les aspects du développement durable, la biodiversité, les contrôles, les suivis, la régénération des forêts et le calcul des possibilités forestières seront aussi scrutés. Des consultations se tiendront dans 16 villes québécoises et dans 4 communautés autochtones, 303 mémoires seront déposés et un large éventail de propositions sera présenté aux membres de la commission Coulombe.

Le 14 décembre 2004, le président de la commission Guy Coulombe dépose son rapport contenant 81 recommandations. Celle portant sur la création de la fonction de Forestier en chef se lisait comme suit:

Recommandation 7.2

Que le Gouvernement présente devant l’Assemblée nationale dans les meilleurs délais, un projet de loi ayant pour objet d’instituer, pour le domaine de l’État, la fonction de « Forestier en chef », de prévoir le mode de nomination de son titulaire, de déterminer ses responsabilités et d’établir un cadre institutionnel traduisant des caractéristiques d’autonomie, de neutralité et d’intégrité scientifique.